vendredi 28 octobre 2011

Mon nouveau blogue

J'ai commencé un nouveau blogue, le Modèle chimpanzé. Comme j'y écris tous les jours, cela me prend un peu beaucoup d'énergie (et j'ai moins d'idées pour celui-ci, malheureusement).

En attendant mon clonage, ou un définitif dédoublement de ma personnalité, venez jeter un coup d'oeil sur l'autre blogue. J'y parle singes, bien sûr, mais surtout maternité, petite enfance, avec une fois de temps en temps des montées de lait... Que du plaisir.

mercredi 19 octobre 2011

Je ne sais pas pour vous, mais moi je me souviens exactement du jour où j'ai compris qu'on comptait le temps. C'était en 1984. En juin. Mes parents nous avaient amenés, mon frère et moi, voir l'arrivée de la course des Grands voiliers sur le fleuve St-Laurent, juste en face de Québec. Pour célébrer le 450e anniversaire de l'arrivée de Jacques Cartier. C'était gros, c'était international. Les bateaux partaient de Saint-Malo, en France (et cela m'avait mélangée parce que nous fréquentions une paroisse qui s'appelait aussi comme ça...).

Allez voir ça sur le site de Radio-Canada... Un défilé de bateaux qui a duré 4 heures! (source de l'image: saisie d'écran sur le site d'archives de Radio-Canada).

Je ne savais pas encore lire. Il y avait de grandes banderoles au-dessus des rues, un peu partout. J'avais demandé la signification des écritures... et j'ai compris qu'on dénombrait les années.

Cela peut avoir l'air évident. En fait, nous vivons tellement le nez collé sur nos calendriers qu'il nous arrive peu souvent d'y réfléchir. Mais moi ça me passionne.

Commençons par le plus simple et le moins arbitraire: un jour. Il y a alternance entre les jours et les nuits. Le soleil se lève et puis se couche. Bon, parfois il n'y a pas de soleil visible, mais on peut compter sur lui... Alors que la lune... Mais le jour commence et finit quand? Minuit n'a pas toujours été un point de repère concret (d'ailleurs, comme le mot l'indique, ce n'est que le milieu de la nuit): en plus, la durée de la nuit change selon les saisons et selon les parallèles terrestres (à l'équateur, ce n'est pas la même durée qu'au 20e parallèle nord par exemple, à cause de l'inclinaison de la Terre et de sa rotation autour du Soleil...).

La Terre, lors du solstice d'hiver (jour le plus court). Sont indiqués les principaux parallèles (Tropiques, Équateur, cercles polaires et leurs latitudes) (source de l'image: Wikipédia).

Chez les Juifs, le jour commence au coucher du soleil. Le sabbath débute donc le vendredi dès que le soleil se couche et se termine le samedi, lorsque la nuit commence. C'est un "jour" de repos, notamment en souvenir de la Genèse, où on dit que Dieu-Yahvé s'est reposé au septième jour de son oeuvre de création. Juste pour dire à quel point la conception du temps peut varier d'une culture et d'une époque à l'autre...

D'accord, c'est compliqué. Et si on se risque dans d'autres espaces de temps? Le mois, tiens... La définition moderne est simple: l'année est séparée en 12 mois. Bon, mais c'est quoi? C'est une série de 28 (= février), 29 (= février des années bissextiles), 30 ou 31 jours. N'importe quoi, en l'occurrence... Une enseignante du primaire m'avait montré un truc mnémotechnique pour savoir combien de jours a chaque mois. Vous prenez votre poing, et vous comptez (en oubliant le pouce) :

Janvier (31 jours) = index
Février (28 ou 29 jours) = trou entre index et majeur
Mars (31 jours) = majeur
Avril (30 jours) = trou entre majeur et annulaire
Mai (31 jours) = annulaire
Juin (30 jours) = trou entre annulaire et auriculaire
Juillet (31 jours) = auriculaire
Et on recommence!
Août (31 jours) = auriculaire
Septembre (30 jours) = trou entre auriculaire et annulaire
Octobre (31 jours) = annulaire
Novembre (30 jours) = trou entre annulaire et majeur
Décembre (31 jours) = majeur
(source de l'image: Wikipédia)

On a bien essayé, dans certaines cultures, de mettre des mois de 30 jours. Mais le principe de l'année, c'est que la Terre a complété une révolution autour du Soleil (en astronomie, on parle d'une durée moyenne de 365 jours, 6 heures, 9 minutes et 9 secondes). Le problème, c'est que vous ne pouvez pas avoir une belle division: 365 se divise très mal en 12 parties (12 x 30 = 360 jours: il en manque et vous devez décaler quelque chose). Quand les fêtes de la récolte arrivent avant les semences, on a une grosse dissonance cognitive (ou, si vous préférez, plus rien ne va et tout fout le camp).

Ajoutons en plus que, selon son étymologie, le mois est lié à la lune (ah ben oui, c'est simple quand même de remarquer qu'elle diminue, disparaît, regrossit à intervalles plus ou moins réguliers). Cela nous mène aux menstruations, en passant, qui partagent la même racine: un mot d'indo-européen qui signifierait carrément "lune" (men). Et on arrive aux calendriers dits lunaires, qui correspondent avec les lunaisons (un cycle de la lune). Mais un mois lunaire équivaut à un peu plus de 29 jours, ce qui modifie encore de nos jours la date de Pâques du calendrier chrétien (calculé sur l'ancien calendrier lunaire basé sur celui des Hébreux) et la période du Ramadan des musulmans (aussi calculé sur un calendrier lunaire) puisque, je le répète, cela ne correspond pas avec l'astronomie et la rotation terrestre.

Ah mais c'est encore trop simple! Nous fonctionnons sur des cycles de 7 jours, la semaine, qui ne fonctionnent ni avec les mois (aucun facteur ne fonctionnerait pour 28 à 31, d'ailleurs...), ni avec les années (52 semaines de 7 jours = 364 jours). D'où les calculs compliqués pour faire équivaloir les mois et les semaines de grossesse, mais aussi les années où nous sommes payés (aux 2 semaines) 26 ou 27 fois...

Quant à savoir si un calendrier pourrait faire l'affaire de tout le monde, en constatant la variété qui existe encore de nos jours, je préfère vivre au jour le jour...

La prochaine fois, je vous parlerai de l'histoire des calendriers (j'en ai déjà glissé un mot ici)... Encore bien du plaisir!

lundi 10 octobre 2011

Bonheurs de lecture (2)

Ces temps-ci, je fais petit à petit mon chemin dans La civilisation chinoise de Marcel Granet (1929). Il a été réédité en 1995, mais j'ai une vieille version jaunie (héhéhé) qui date de 1968.

Ayant fait 2 sessions de chinois (mandarin) à l'université, je me retrouve devant un problème, celui de la translittération des noms chinois.

Pour les non-initiés, c'est une opération à travers laquelle on transpose le son d'une langue dans une autre. Ainsi, pour prendre un exemple relativement simple, le mot "Chine" s'écrit en mandarin simplifié: 中国. Le problème arrive quand on essaie de lire ce mot si on ne parle par mandarin.

On peut alors tenter d'écrire "au son" le mot en question, mais il faut noter que cette façon de l'écrire phonétiquement peut différer énormément si on a un auteur francophone ou anglophone, par exemple. De même, d'un auteur à l'autre (et même s'ils partagent au départ la même langue), la translittération peut changer. Pour garder notre exemple, de 中国 (Chine), Granet (1968: 37) écrit "Tchong kouo", tandis que la méthode de translittération maintenant universellement acceptée (le pinyin), écrira Zhōngguó (les accents marquent notamment la tonalité: comme il y a 5 manières de prononcer une même syllabe, il faut connaître le bon ton à y mettre!).

Je me retrouve donc à lire un texte où je ne reconnais ni les mots que j'ai appris (à moins d'essayer de deviner par recoupements avec les traductions données ou encore de les prononcer à voix haute en tentant de retrouver l'original), ni les noms de personnes ou de lieux que j'ai déjà vus ou entendus ailleurs.

Cette peinture représente un marché tenu lors d'une fête religieuse, autour de 960-1127, lors de la période dite des "Song du Nord" (source de l'image: Wikipédia).

Comme le pinyin n'a été mis en place que vers 1958, il est normal que Granet ne l'utilise pas dans son texte. Par contre, comme il est encore considéré comme un classique sur le sujet de la Chine, ses livres auraient besoin d'un bon dépoussiérage de ce côté (un peu comme les textes en français ancien qu'on traduit pour des lecteurs modernes)...

Je me suis demandée si je n'allais pas ajouter les sinogrammes appropriés et/ou la translittération en pinyin dans ma copie de Granet, mais j'avoue que ça représente un travail un peu trop soutenu (il y en a tellement!!!!). Et ça se conjugue un peu mal avec ma méthode de lecture: couchée dans mon lit.

On verra plus tard. Peut-être, si l'acclamation populaire y est, vais-je essayer de m'y mettre. Pour le moment, parce que j'adore ça, je vous offre le décorticage de 中国.

Carte de la Chine actuelle. Remarquez que certains noms (Beijing, Guangzhou) sont également orthographiés selon la forme "traditionnelle" (Pékin, Canton). À noter que "Pékin" est en cantonais, une des nombreuses langues parlées en Chine (chouette! une source de confusion!). Source de l'image: Wikipédia.


Le premier caractère, 中, se prononce zhōng, ce qui signifie "centre, milieu, juste milieu", "Chine", "dedans, dans", "moitié", "d'accord, correct, orthodoxe" (cf. Sanfaçon, 1997, p. 686). 国, le guó, se rapporte à "pays, nation, état", mais plus précisément à un adjectif qui renvoie à "d'état, chinois" (comme dans un "produit national chinois":国货) (Sanfaçon, 1997, p. 731). Donc, résumons-nous: l'expression "l'empire du milieu" n'a pas été forgée de toutes pièces...

Par contre, toujours sur le 国, il faut voir que le carré qui représente une enceinte, un enclos (Sanfaçon, 1997, p. 730): ce sont les murailles d'une ville, ou les frontières d'un pays. À l'intérieur se trouve le 玉, , le symbole pour le jade (3 pièces de jade enfilées sur un fil, dit l'étymologie de Sanfaçon (1997, p. 355)). On y verrait le pays du jade pour la Chine en forçant très légèrement. Par contre, si on simplifie toujours le signe, on trouvera 王 (on enlève un trait seulement), et on aura wáng, le "roi, prince", le "grand", ou les verbes "régner, gouverner" (Sanfaçon, 1997, p. 344). Le pays est là où se trouve le roi, est un roi entouré de murailles.

Boutons de jade néphrite (à ne pas confondre avec la jadéite des Mayas en Amérique précolombienne!), sculptés à la main. Le "jade" a été plus prisé en Chine que l'or ou l'argent (source de l'image: Wikipédia).

Avec ces informations, vous n'oublierez pas le mot. Moi c'est comme ça que j'arrive à y faire sens.

Sources citées:
GRANET, Marcel (1968). La civilisation chinoise, Paris, Albin Michel, 505 p.

SANFAÇON, Roland et al. (1997). Dictionnaire kuaisu- Chinois - Anglais - Français (avec l'étymologie des caractères), Sainte-Foy (Québec), Les Presses de l'Université Laval, 905 p. (épuisé)

mercredi 5 octobre 2011

C'est la fête

Aujourd'hui, 5 octobre, c'est la fête mondiale des enseignants et des enseignantes.

Je me disais en écrivant cet énoncé que c'est quand même seulement aux éléments menacés, ou sous-estimés, ou discriminés qu'on dédie spécialement une journée. C'est comme la journée de la femme, ou la journée de l'eau, ou de la paix, ou de la courtoisie au volant.

J'attends avec impatience la Journée mondiale des "Hommes entre 20 et 45 ans, de couleur pâle, parlant anglais et de classe moyenne". Ou "aimant la bière".

Et je me dis que le métier d'enseignant est drôlement mal vu pour qu'on le souligne ainsi.

Saint Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719), patron des enseignants. Il a considérablement innové en matière de pédagogie: classes collectives (et non plus enseignement individuel) en français (au lieu du latin). Il s'est aussi dévoué pour éduquer les enfants pauvres. Comme il faut avoir accompli des "miracles" pour être saints, ou bien il faut canoniser tous les enseignants (héhé) ou bien l'enseignement en lui-même est miraculeux... (source de l'image: Wikipédia).


Ceci étant dit, c'est un travail que j'accomplie, de mon mieux, au jour le jour, depuis maintenant 6 ans. Avec des hauts et des bas, des périodes d' "à quoi bon", des moments intenses de joie et de tristesse.

Je me rappelle avec beaucoup de tendresse et d'émotions de l'étudiant qui était venu me voir dans mon bureau et m'avait confié ses doutes sur son avenir. Il rêvait de devenir policier et je me disais que c'était des gars comme lui que j'avais envie de croiser dans la rue, avec la responsabilité de maintenir l'ordre et de nous "ramasser à la petite cuillère" dans les drames de la vie. Un gars avec une tête sur les épaules. Qui savait écouter et avec une tonne d'empathie. J'avais pris un "post-it", j'y avais écrit "Je suis bon, je suis capable, je vais réussir mes rêves, je vais devenir policier.". La prescription d'une prof à mettre sur son frigo et à lire à toutes les fois qu'il irait ouvrir cette porte. Aussi important que de manger. Je lui avais prescrit de rêver.

On oublie souvent ce rôle immensément important. Un modèle à suivre pour les jeunes (et moins jeunes) générations. Un idéalisme de tous les instants. Celui de croire que tout est possible, de croire en l'avenir, d'apprécier l'insouciance de ceux qui ne savent pas encore. C'est cette image que j'aimerais qu'on ait des enseignants.

Des collègues plus âgés m'ont déjà confié que c'était leur fontaine de jouvence. Que ces bandes de jeunes toujours renouvelées, toujours (et parfois désespérément) jeunes les obligeaient à le rester aussi.


En boutade, je dis souvent de mes étudiants qu'ils sont éternels et qu'ils savent tout. C'est peut-être parce que j'aimerais bien que ça s'applique à moi aussi.