mercredi 21 septembre 2011

Mon refus d'être "heureuse"

Apparemment, les gens croyants ont plus tendance à se dire heureux... Je n'ai jamais réussi à retrouver la référence de l'article où j'ai souvenir d'avoir lu cette idée.

De toute façon, là n'est pas le problème. Je veux parler du fait que la religion implique fondamentalement (hihihi) une irrationalité.

L'athéisme, pour moi, c'est de garder un sens critique quand on me raconte des histoires - parfois très belles, parfois très profondes, parfois aussi très stupides. Des histoires qui tentent de trouver un sens à ce qui est intrinsèquement absurde et insensé (comme la mort ou la maladie ou les catastrophes naturelles).

Peinture de Pieter Brueghel l'Ancien : Le triomphe de la mort (1562) (source de l'image: Wikipédia).
Cela me fait penser à une anecdote anthropologique: Dan Sperber (1974: 141 et sqq) racontait que, chez les Dorzé, en Éthiopie, les léopards sont considérés comme des chrétiens qui respectent les jeûnes de l'église copte.

Une croyance comme une autre, donc... Mais qui a son lot de conséquences... À savoir:
1) Si les léopards sont bel et bien chrétiens, cela signifie qu'on leur accorde des valeurs morales, qualités qui ne sont reconnus qu'au genre humain par les Dorzé. (oups!).
2) Cependant, les Dorzé savent bien que certains humains ne sont pas chrétiens. Eux-mêmes ne le sont, d'après leur tradition, que depuis le 15e siècle. Cela signifie comme, dans leur logique même, que le christianisme n'est pas inné, mais bien acquis, et qu'il nécessite le baptême précédé d'une conversion. Seulement, les léopards sont chrétiens. De naissance. Naturellement. (fichtre!).
3) Les léopards, bons chrétiens, sont censés jeûner tous les vendredis, comme le prescrit l'église copte. Pourtant, les Dorzé ne cessent pas de veiller leurs troupeaux les vendredis. Ils savent bien que les léopards chassent tous les jours. (zut!).

Un exemple ethnographique a ceci de rafraîchissant que son exotisme permet de le considérer avec légèreté. La preuve: les Dorzé sont loin, ils sont étranges... Ils habitent dans des cases!!!!

Huttes dorzé, qu'ils nomment toukoul (2008). source de l'image: Wikipédia.

Mais je pourrais faire le même exercice avec plusieurs points de foi qui sont, à leur manière, tout aussi fantasmatiques.

J'expliquais cette semaine à mes étudiants une notion délicate, celle du zéro relatif dans une variable. En gros, ce zéro est un point de repère, une convention sur laquelle on se base pour calculer. Ainsi, 0 degré centigrade (pas tout à fait ° C) ne signifie pas qu'il n'y a pas de température... mais bien que l'eau atteint son point de congélation (si elle est pure, si elle est dans une atmosphère normalisée - autrement dit, dans une situation totalement artificielle).

Pour poursuivre mes exemples de zéro relatif, j'ai demandé "En quelle année sommes-nous?".
- 2011, me répond-t-on.
- Bon, c'est facile... mais 2011 ans après quoi?
- Après la naissance de Jésus.
- Et vous trouvez normal qu'on calcule le temps à partir de "la naissance de J.-C."?
- Oui.

Oui, parce qu'il est facile d'oublier que d'autres calculent avec d'autres départs. Oui, parce que le monde a été colonisé par l'Europe, elle-même christianisée depuis longtemps (oui, c'est aussi une forme de colonisation), et que le calendrier grégorien a été imposé un peu partout.

Le pape Grégoire XIII, l'instigateur des changements au calendrier julien à la fin du XVIe siècle (source de l'image: Wikipédia).

En passant, il est connu aujourd'hui que l'an 1 du calendrier grégorien correspond approximativement avec la "naissance" de Jésus-Christ. Jésus dont, soit dit en passant, on n'a jamais entendu parler ailleurs que dans le Nouveau Testament pour son époque. Autrement dit, ou bien il a été tellement insignifiant qu'on n'a pas jugé bon d'en parler avant 70 ans minimum (date des premiers écrits chrétiens), ou bien il n'a pas existé.

Personnellement, je préfère la seconde hypothèse.

Et le jour où quelqu'un m'expliquera comment un dieu immensément bon a créé le Mal, ou comment les dinosaures ont existé s'ils n'étaient pas dans le Jardin d'Eden, alors je reconsidérerai ma position.
En passant, les histoires de "dieu nous laisse libres" ou de "dieu a créé la Terre avec des fossiles déjà présents" me laissent complétement de glace. C'est mon zéro absolu en matière de religion.

Source citée:
SPERBER, Dan (1974). Le symbolisme en général, Paris, Hermann, 163 p.

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