dimanche 7 août 2011

Pourquoi écrire un blogue?

Une des premières raisons qui me viennent en tête est une conséquence directe du piteux état de l'industrie de l'édition au Québec: il n’y a tout simplement pas de forum pour les intellectuels de notre génération (jeune trentaine et moins) sinon en marge des publications édulcorées qui se prétendent «démocratiques», ce qui revient à dire qu'elles se maintiennent en deçà d'un certain degré de compréhension jugé «trop compliqué» voire élitiste pour le lecteur moyen.

On reproche souvent aux philosophes, comme d'ailleurs aux anthropologues, sociologues, historiens/historiens de l'art de «ne s'entretenir qu'entre eux»; à cela j'ai tendance à répondre que, vu le manque d'intérêt généralisé pour les «idées», c.-à-d. la pensée abstraite, on n’a pas vraiment le choix! Hors des publications spécialisées et/ou académiques, on n’accorde à peu près aucune place à la réflexion telle que «pratiquée» par la philosophie et les sciences humaines.

On a donc le choix entre : a) écrire et publier en anglais, b) envoyer des manuscrits aux éditeurs du Monde diplomatique et consorts (qui se verront refusés 9,9 fois sur 10 pour la simple et pas vraiment bonne raison qu'un comité de rédaction quel qu'il soit va nécessairement préférer publier un auteur déjà connu/reconnu), et c) se publier soi-même.

Selon moi le format «blogue» a plusieurs avantages: aussi peu coûteux à créer qu'à lire, le blogue se «distribue» de lui-même via les engins de recherches et les réseaux sociaux; il n’y a pas de censure (hormis celle que commande un minimum de jugement et de savoir-vivre, et dont j'avoue qu'elle fait souvent défaut, mais bon...), pas d'obligation de «traiter» de certains sujets ou non dans une optique ou une autre (comme dans à peu près tous les organes francophones de presse écrite au Québec, possédés et gérés par des illettrés qui se moquent de tout sauf le profit, interpénétration qui, convergence oblige, rend la pensée critique précisément... non critique!); possibilité d'échanges et de création de «réseautages» qui étaient jusqu'à maintenant réservée qu’aux «journalistes» accrédités.

Segment d'un réseau social: le point blanc représente l'élément ayant le plus de connections (directes ou indirectes) (source de l'image: Wikipédia).

Bien sûr, il existe autant sinon plus de «mauvais blogues» que de mauvais livres, et «l’autopublication» a un gros désavantage: pas de correcteurs. Il faut se faire confiance. Mais c'est un défi qui me plaît, et qui force à réfléchir un peu plus à la façon dont on exprime ce qu'on prend la décision de dire.

Par ailleurs, écrire est un geste/acte incroyablement ingrat: un auteur est seul face à la page, sans le feed-back immédiat que reçoivent un musicien, un danseur ou un comédien. Le fait de mettre en ligne un texte rend possible un échange, médiatisé, d'accord, mais tout de même plus ouvert que l'écriture sur papier ne le permet.

Un écrivain, même publié, n'a pratiquement aucune idée de qui lit son livre, et rares sont les auteurs, en tout cas aujourd'hui, qui n'ont pas aussi un blogue, ne serait-ce que pour communiquer avec leur public.

Schéma représentant la loi de Metcalfe sur le nombre de connections possibles entre des éléments d'un système (= le carré du nombre d'utilisateurs n2 ) (source de l'image: Wikipédia).

Pour ma part, je n'ai pas d'ambitions « littéraires », mais il me plaît de croire que certains sujets valent la peine d'être discutés au-delà du milieu académique. Après tout la réflexion philosophique est née, ne l'oublions pas, sur la place publique, et non dansun amphithéâtre d'université...

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