vendredi 5 août 2011

Sur les blogues

J’ai toujours adoré les dictionnaires. Entre ceux, archaïques, mis à la disposition dans ma classe à la petite école où je cherchais mon prénom, et les deux classiques que nous possédions à la maison (le Petit Larousse et le Petit Robert, pour ne rien vous cacher), je passais du temps.


Je me perdais dans leurs pages, à rechercher les définitions des mots des définitions. C’est un exercice qui ressemble beaucoup à celui de la navigation sur le web. Où l’on saute d’une idée à l’autre, d’un étonnement à l’autre, d’un monde à d’autres.


Pour écrire sur le blogue, j’ai donc commencé par ouvrir mon dictionnaire (toujours le Petit Robert: je reste fidèle à mes vieilles amours). J’y ai appris une étymologie: ça permet de prendre racine.

De weblog («carnet de bord (log) sur Internet»), on a donc coupé le «we». Ça me donne bien envie de jouer sur les mots, avec le «nous» (we) qui disparaît. Il ne resterait que le «je», que l’individu, qu’une série d’individus qui tentent de communiquer.


Parce que c’est probablement sur cette idée que mon désir d’écrire achoppait. L’impression que, finalement, le contact n’est presque plus possible entre l’auteur et les lecteurs.


Je m’explique: oui, le blogue reste un «outil de communication», au sens où il permet de passer un message. Si on reste dans les schémas très classiques de la communication, le blogue est un canal: un support, ici virtuel, par lequel une personne émettrice transmet de l’information à une autre, réceptrice (cf. Barrette, Gaudet et Lemay, 1996).



Par contre, il y a certains chercheurs (par exemple l’école de Palo Alto) pour qui le message n’existe que s’il y a interaction. Autrement dit, le blogue non lu n’est pas un message. Il ne sert à rien. C’est de l’énergie gaspillée.

À quoi sert-il, alors, d’écrire un nouveau blogue? Pourquoi «encombrer» le web d’un autre ensemble de petits discours? Ironiquement, je pense que plusieurs espèrent se sentir moins seuls: on écrit, au jour le jour, on espère des commentaires des lecteurs, des habitués qui reviendront… Établir un contact avec d’autres, se connecter, se réseauter… Et de chercher la page Facebook, le Twitter et de s’abonner au fil RSS.

En fin de compte, sommes-nous plus en lien avec les autres maintenant qu’il y a Internet? Qui n’a pas ignoré, ne serait-ce qu’un court instant, une personne à ses côtés pour lire un courriel, envoyer un texto, répondre au téléphone?

Je mets toutes ces innovations dans un même ensemble. Celui des choses qui nous permettent de ne pas vivre l’instant présent. D’être absent de l’endroit où nous sommes pour être virtuellement dans un autre (ou même dans plusieurs!). L’ensemble des éléments qui nous coupent les uns des autres. Et qui nous rendent de plus en plus solitaires au milieu de la foule.

Je trouve fascinant ce processus. D’une fascination un peu morbide, je l’avoue. En fait, on pourrait aussi décrire notre faculté à nous isoler comme un phénomène profondément métropolitain (dans le sens de villes principales, et non dans l’acception française colonialiste). Les grandes villes ne permettent pas de connaître les gens que nous côtoyons (sauf exception de contextes locaux, par exemple au travail), tout simplement parce qu’il y a trop de personnes.

Comme l’être humain possède des réseaux sociaux limités (le nombre de Dunbar, établi en 1993, calcule environ 150 personnes en relation stable avec chacun d’entre nous), nous ne pouvons pas établir des rapports intimes ou tout au moins poussés avec tous.

Notons ici que les «amis Facebook» ne sont pas souvent des gens à qui nous confierions les clés de notre résidence…

Le blogue est peut-être moins une occasion de se faire des relations que de laisser une petite trace de nous-mêmes dans des mémoires virtuelles. Et de s’accorder un espace de liberté pour dire quelques opinions (attention! toujours subjectives) afin de mettre de l’ordre dans ses propres idées.

Source mentionnée:
BARRETTE, Christian, Édithe GAUDET et Denyse LEMAY (1996). Guide de communication interculturelle, édition, Saint-Laurent, ERPI, 188 p.

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